Comment les neurosciences révolutionnent-elles notre vision du développement des jeunes enfants ?

Il y a encore une centaine d’années, beaucoup d’enfants étaient élevés dans un contexte de violence ordinaire, qui semblait tout à fait normal. La discipline et l’obéissance étaient alors les grands principes qui régissaient l’éducation des enfants sans que personne n’y trouve rien à redire. Heureusement, tout cela a bien changé et les découvertes récentes en neurosciences nous aident à comprendre comment fonctionne le cerveau des jeunes enfants pour les soutenir au mieux dans leurs différents apprentissages.

 

Que sont les neurosciences ?

Les neurosciences sont l’ensemble des études scientifiques qui portent sur le système nerveux, soit :
– le cerveau ;
– les nerfs ;
– la moelle épinière.

Ces études traitent autant de la structure du système nerveux que de son fonctionnement. Les neurosciences reposent sur de nombreuses disciplines qui sont liées les unes aux autres telles que :
– la neurologie ;
– la neurobiologie ;
– la psychiatrie ;
– l’imagerie cérébrale ;
– les neurosciences comportementales, cognitives, sociales, affectives…

Grâce à la synergie de ces différentes sciences, nous comprenons de mieux en mieux ce qui est favorable au bon développement des enfants ou non. Découvrez quelques exemples de découvertes neuroscientifiques qui ont permis de changer la manière de voir l’éducation des jeunes enfants.

 

Les enfants ont un cerveau immature

Les bébés sont des êtres immatures qui ont besoin de l’aide de leurs parents pour survivre. L’immaturité physique des bébés est avérée depuis longtemps et très facilement observable. Or, leur cerveau l’est tout autant, mais cela est beaucoup moins visible.

Le cerveau d’un nouveau-né est composé d’environ 100 milliards de neurones qui ne sont pas encore reliés entre eux. Au fur et à mesure que le bébé est stimulé, les neurones se connectent les uns aux autres, créant ainsi de nouveaux réseaux de neurones. Ces connexions évoluent constamment selon plusieurs schémas :
– certaines se créent ;
– certaines se consolident de plus en plus ;
– certaines s’appauvrissent ;
– certaines disparaissent lorsqu’elles sont peu utilisées.

Au cours de la première année de vie, le cerveau du bébé double de volume, entre trois et quatre ans, il triple. Le cerveau humain atteindrait sa maturité seulement aux alentours de 25 ans. À cet âge-là, les connexions commencent à se faire et à se défaire plus lentement qu’avant.

 

Impact du vécu et des interactions sur le cerveau

Le cerveau des jeunes enfants est très malléable : la structure même du cerveau, c’est-à-dire les synapses, les neurones, peuvent facilement être modifiés par des facteurs extérieurs.

Voici ce qu’en dit, Catherien Guegen, pédiatre, dans « La santé en action n° 47 » : « Toutes les expériences affectives, relationnelles vécues par l’enfant durant ses premières années de vie vont s’imprégner au plus profond de lui, dans son cerveau, modifiant les neurones, leur myélinisation, leurs synapses, les molécules cérébrales, les structures et les circuits cérébraux et même l’expression de certains gènes. »

Les interactions qu’ont les jeunes enfants avec les autres, notamment les adultes, jouent un rôle primordial dans leur développement général. Toutes ces expériences influencent également les mécanismes de la mémoire et de l’apprentissage.

La stimulation des cinq sens des bébés permet de créer de nouvelles connexions dans le cerveau et favorise donc son développement. Au cours de ces interactions, le toucher a une importance primordiale, car il permet aussi aux bébés et aux bambins de ressentir bien-être et sécurité.

 

Les neurosciences pour comprendre les tempêtes émotionnelles

La tempête émotionnelle est un terme que l’on voit de plus en plus apparaître. Il désigne le trop-plein d’émotion que peuvent vivre les enfants et qui donne lieu à de véritables crises. Vous remarquerez que l’on entend encore souvent l’entourage (ou des inconnus) dire d’un enfant dans cette situation qu’il est colérique, capricieux, mal élevé, voire méchant. Or, il n’en est rien !

La partie du cerveau dédiée aux émotions est à l’œuvre dès tout petit : les bébés ressentent donc des émotions. Par contre, la partie du cerveau qui est chargée de réguler les émotions n’arrive à maturité que vers l’âge de cinq ou six ans (en fonction de l’expérience de l’enfant). C’est pourquoi il n’est pas rare de voir de jeunes enfants en proie à de véritables crises, car ils sont totalement submergés par une immense colère ou une peur très intense.

Les jeunes enfants ont besoin de l’aide des adultes pour apprendre à reconnaître et à gérer leurs émotions.

 

L’importance de la bienveillance et de l’empathie

La bienveillance et l’empathie dont font preuve les adultes qui s’occupent de l’enfant, que ce soit les parents ou les professionnels de la petite enfance, vont permettre à l’enfant de développer lui aussi sa bienveillance et son empathie.

Consoler un enfant lorsqu’il pleure, le soutenir de manière positive lorsqu’il n’arrive pas à gérer ses émotions favorise le développement de l’hippocampe. Être bienveillant et empathique avec les jeunes enfants permet à leur cerveau un développement optimal.

D’après une étude menée en 2015 par Rianne Kok, une professeure de psychologie hollandaise, portant sur 191 enfants de 6 semaines à 8 ans, « lorsque les deux parents sont empathiques, il y a une augmentation de la substance grise du cerveau et un épaississement du cortex frontal. »

La bienveillance et l’empathie sont d’autant plus importantes quand l’enfant vit une tempête émotionnelle. En effet, un enfant dans une situation de détresse extrême aura un niveau de cortisol (hormone du stress) très élevé, qui en grande quantité est mauvais pour le fonctionnement du cerveau. Dans ce cas, l’enfant est incapable de se calmer seul, l’intervention bienveillante de l’adulte permettra de faire diminuer le cortisol pour aller vers un retour à la normale.

La bienveillance et l’empathie ont donc un effet positif sur le cerveau et son développement. Au contraire, la violence, qu’elle soit physique ou verbale, nuit au développement du cerveau.

 

L’impact de la violence et de la négligence sur le développement du cerveau

« Quand j’étais enfant, je me suis pris des claques et j’en suis pas mort ! » , « Tu devrais lui mettre une bonne fessée pour qu’il comprenne ! » Malheureusement, ce genre de phrases reste monnaie courante alors même que les violences éducatives ordinaires sont désormais explicitement interdites par la loi.

Quoi qu’en disent certains, la violence, quelle que soit sa forme, est délétère pour le développement du cerveau des enfants. En effet, les violences physiques, verbales et les négligences engendrent un stress pour les individus. Lorsque cela survient chez un enfant, on parle de stress précoce.

Il peut être est normal de faire face au stress dans la vie quotidienne, tant que ce niveau de stress reste tolérable. Au-delà d’une certaine limite, ou en cas de récurrence, le stress devient toxique et a des effets néfastes physiquement et psychologiquement sur :
– les capacités mnésiques ;
– la sensibilité et la réponse au stress ;
– la régulation de l’humeur ;
– la maturation du cerveau ;
– le système endocrinien ;
– le système immunitaire…

Élever son enfant n’est pas chose aisée et il peut arriver à tout le monde de perdre patience dans des situations difficiles. Il ne s’agit donc pas de blâmer les parents fatigués qui ont pu craquer parfois, mais bien d’informer sur le caractère préjudiciable des violences, surtout lorsqu’elles sont répétées.

 

Influence de l’environnement sur le cerveau

Comme vous avez pu le voir plus haut, l’ensemble des interactions d’un jeune enfant avec son environnement participe au développement du cerveau. Ainsi, tout ce que voit, entend, sent, touche, goûte un bébé va influencer la construction de ses synapses et de ses neurones.

Si à une certaine époque il était tout à fait normal de laisser un bébé seul dans son berceau sans qu’un adulte ne s’en occupe, aujourd’hui ce n’est plus le cas. En effet, auparavant, on croyait que les seuls besoins des bébés étaient de manger, dormir et être changé. Désormais, on sait que les bébés sont des êtres sociaux qui ont besoin d’être en lien avec d’autres humains pour bien grandir.

Par contre, il semblerait que la quantité des interactions ne soit pas aussi importante que leur qualité. Ne vous inquiétez pas si votre bébé n’a d’interactions qu’avec vous, tant qu’elles sont de qualité, elles seront bénéfiques pour son petit cerveau.

Ainsi, il vaut mieux qu’un bébé ait des interactions de qualité seulement avec une personne plutôt que d’être en contact avec plusieurs adultes en ayant des interactions plus pauvres.

 

L’attachement nécessaire au développement

L’attachement correspond à notre capacité à créer du lien avec d’autres personnes. Cette capacité est déjà présente chez les nouveau-nés. Pour un bébé, il est très important de s’attacher à une ou plusieurs personnes de référence en qui il a confiance, que l’on appelle les figures d’attachement primaires et secondaires.

Les jeunes enfants créent du lien, s’attachent et développent une confiance envers les adultes qui :
– répondent à leurs besoins ;
– passent du temps avec eux ;
– les consolent ;
– les nourrissent…

Avoir une figure d’attachement permet aux bébés de se sentir en sécurité, aimés et entendus. Ce besoin de sécurité doit être rempli pour permettre un développement optimal des jeunes enfants.

Au contraire, l’absence d’attachement, un attachement insécure, un manque de soins et d’attention envers un jeune enfant sont néfastes pour son développement. Les conséquences diffèrent selon la situation, mais lorsqu’il y a un problème d’attachement chez un enfant, on peut observer entre autres :
– de l’agitation ;
– des troubles du comportement ;
– des sentiments positifs limités ;
– un isolement ;
– une absence d’attention aux autres ;
– des difficultés de gestion des émotions ;
– de la tristesse…

 

L’intérêt de l’éducation positive ou bienveillante

Depuis les années 2000, a émergé en France un type d’éducation qui peut porter plusieurs noms, tels qu’éducation bienveillante ou parentalité positive. Il arrive de voir associer à ces termes des jugements assez négatifs. L’éducation positive est parfois accusée de laxisme ou de créer des enfants rois.

En effet, certains confondent l’absence de violences avec l’absence de règles et de limites. Il n’est pas question ici de dresser un portrait complet de l’éducation positive, mais de vous faire découvrir les avantages de ce type d’éducation.

Éduquer ses enfants de manière bienveillante et positive permet de créer avec eux une relation de confiance, empathique et soutenante. C’est la condition fondamentale pour une évolution optimale du cerveau.

Grâce aux avancées des neurosciences, on sait désormais que :
– le cerveau des enfants est immature ;
– le cerveau évolue en fonction des interactions de l’enfant ;
– la bienveillance, l’empathie et une éducation sans violences permettent un bon développement du cerveau.

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